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ENJEUX

On constate que la connaissance de l’existence des REL s’est propagée plus rapidement que leur application. Il subsiste des obstacles à leur intégration par la communauté éducative mondiale. La Déclaration de Paris sur les REL 2012 a mis en évidence ces obstacles, les signalant à des fins de coopération internationale. Bien que des progrès aient été accomplis dans chaque domaine, il faut que la communauté internationale continue de redoubler d’efforts. Ces obstacles sont notamment les suivants : (1) capacité des utilisateurs à utiliser, réutiliser et partager les REL, (2) barrières linguistiques et culturelles, (3) accès inclusif et équitable à des REL de qualité, (4) changement de modèle économique et (5) création de cadres politiques favorables.

  • Capacité des utilisateurs à utiliser, réutiliser et partager les REL

Renforcement des capacités pour l’ensemble des acteurs de l’éducation

Pour tirer parti des REL, il faut des dirigeants flexibles, ouverts aux idées nouvelles et prêts à prendre des décisions. Il est donc nécessaire de renforcer les capacités de ces personnes pour que l’exploitation des REL se fasse à partir du sommet comme de la base. Cela passe notamment par le renforcement des capacités des parties prenantes de l’éducation (dirigeants, éducateurs et élèves), afin qu’elles puissent partager des matériels créés sous licence libre, ainsi que l’élaboration d’outils accessibles pour faciliter la recherche, la récupération et le partage de REL précises et pertinentes, qui répondent à des besoins spécifiques.

Développement des compétences pour l’utilisation, la réutilisation et le partage des REL

Le renforcement des capacités nécessite que des activités de développement professionnel soient proposées aux éducateurs afin qu’ils puissent acquérir les compétences et les aptitudes indispensables pour utiliser les REL. Par exemple, la connaissance du numérique et des médias est nécessaire afin de trouver, partager, créer et remanier efficacement des REL. Étant donné que les ressources disponibles ne correspondent pas toujours aux méthodologies ou aux matières locales, le personnel doit être formé pour rechercher et adapter les REL. Parmi les autres compétences essentielles, citons l’aptitude à « voir la valeur » des travaux d’autrui et à imaginer une façon de les réutiliser dans un nouveau contexte, les compétences techniques pour apporter des changements aux REL, la maîtrise de la traduction et la capacité à distribuer et partager de nouvelles versions des REL avec les élèves et la communauté ouverte.

 

Les compétences devraient également porter sur les questions de droit d’auteur et conférer une bonne compréhension des licences libres, de leurs implications et de leur fonctionnement pratique, en particulier s’agissant de remanier les contenus disponibles sous différentes licences. Des mécanismes doivent être mis en place pour attester du temps, des efforts et des compétences déployés par l’équipe éducative pour concevoir et adapter des REL.

Les systèmes de stockage et de récupération des REL devraient être popularisés et simplifiés afin qu’ils incluent les outils et les informations nécessaires pour faciliter au maximum l’élaboration de REL (UNESCO, 2016). A présent, les outils disponibles pour partager les ressources sont limités et les plates-formes actuelles, souvent difficiles à utiliser.

  • Barrières linguistiques et culturelles

On aborde ici la nécessité de promouvoir le multilinguisme dans le cyberespace. L’Internet, qui constitue le principal moyen pour partager les REL, offre la possibilité d’améliorer la libre circulation des idées par les mots et les images. La participation de tous représente néanmoins un défi, la majorité du contenu étant en anglais. Produire des REL en langue locale permet d’accroître la diversité, la qualité et la pertinence du contenu.

En outre, il est indispensable de répondre aux problématiques culturelles liées à l’attitude face au partage. Il est important de proposer des contreparties pour encourager ou, si besoin, imposer l’utilisation des REL dans les établissements d’enseignement. Dans le cadre des activités de développement des capacités, il est utile de créer et de soutenir des communautés de pratique actives pour favoriser la collaboration et le partage d’informations. Cette coopération représente un autre avantage potentiel : améliorer la qualité (à travers la révision et l’approbation des matériels proposés), accroître l’accès et réduire les coûts grâce au partage.

  • Accès inclusif et équitable à des contenus de qualité

Ce point touche à deux concepts : l’accessibilité des REL pour les personnes handicapées et l’appui à l’utilisation des REL dans tous les environnements de TIC.

  • Accessibilité pour les personnes handicapées: Bien que les REL soient diffusées sous licence libre, cela ne les rend pas accessibles à tous pour autant. Il est donc essentiel de faire en sorte que les questions d’accessibilité soient intégrées à toutes les étapes d’utilisation des REL : création, partage ou remaniement. Environ 15 % de la population mondiale, soit près d’un milliard de personnes, souffre de handicap (Organisation mondiale de la Santé, 2013). Ce chiffre augmente parallèlement à la croissance démographique, à la pauvreté grandissante, aux catastrophes naturelles, aux conflits et au vieillissement de la population. Étant donné qu’un si grand nombre de personnes sont atteintes de handicap, il est vital que les possibilités d’apprentissage soient largement accessibles.
  • Connectivité: Malgré le fort potentiel des REL, des obstacles entravent leur accès, en particulier dans les pays en développement où la disponibilité des TIC et la connexion Internet posent des difficultés. Pour accéder aux REL, il faut disposer d’une infrastructure de TIC suffisante. Une connexion Internet fiable et rapide, qui fait toujours défaut dans de nombreux établissements, s’avère également utile. De plus, la bande passante représentant un coût important, certains élèves vivant dans une situation socioéconomique précaire ne peuvent accéder aux TIC, à l’Internet et aux REL. En outre, face à l’utilisation croissante des technologies et des réseaux mobiles pour accéder au réseau Web partout dans le monde, et en particulier dans les pays en développement, il est crucial de mettre à disposition des REL accessibles sur mobile à des fins de partage, de création et de remaniement et de garantir que ces contenus soient facilement téléchargeables pour une diffusion par le biais de réseaux « hors ligne » si nécessaire.
  • Préoccupations relatives à la qualité: Un débat récurrent au sujet des REL porte sur leur qualité. Les défenseurs des REL font remarquer que la transparence inhérente à ce contenu (car les ressources fournies par l’équipe sont partagées de façon ouverte et libre) exerce généralement une pression sociale sur les établissements et le corps enseignant qui les incite à démontrer la qualité de leur production. Certains acteurs qui dépendent d’institutions utilisent l’image de marque ou la réputation de celles-ci afin de convaincre l’utilisateur que le matériel diifusé sur un site Internet est de grande qualité. Si ce n’est pas le cas, le prestige de l’institution est mis en jeu. Une autre démarche consiste à faire appel à l’examen par les pairs, qui est l’un des processus d’assurance qualité les plus employés dans le monde universitaire. Alors que, partout dans le monde, de plus en plus d’établissements demandent à leurs éducateurs de partager davantage de contenus sous licence libre, l’expérience démontre clairement que soumettre la production intellectuelle à une vérification minutieuse par les pairs apporte des améliorations supplémentaires. Ce phénomène s’explique à la fois par le temps investi par les éducateurs pour perfectionner leur matériel avant de le partager ouvertement et par les retours qu’ils reçoivent de la part de leurs pairs et de leurs élèves qui leur permettent d’apporter encore des améliorations.

S’agissant d’élaborer du matériel pour l’enseignement K-12 (maternelle + 12) et la formation des enseignants, il convient de s’assurer que les mécanismes d’assurance qualité appliqués aux contenus hors REL soient, dans la mesure du possible, appliqués aux REL qui se sont avérées utiles et devraient être davantage exploitées. ­

 

  • Changement de modèle économique

À l’échelle mondiale, le modèle économique de l’édition papier est soumis à une pression croissante en raison des avancées technologiques et de la numérisation du contenu. Les changements subis par le secteur de l’édition affectent son marché et son modèle économique. Certains principes fondamentaux et immuables, tels que les économies d’échelle, ont perdu en importance. Les livres numériques sont généralement vendus à un prix inférieur que les livres imprimés et les œuvres tombant dans le domaine public sont de plus en plus nombreuses: cela risque de menacer davantage le modèle économique traditionnel de l’édition (Rodrigues, Chimenti, Nogueira, Hupsel et Repsold, 2014).

La demande croissante d’accès à une éducation de qualité, conjuguée à la progression des taux de scolarité, implique la multiplication des ressources pédagogiques, en particulier de manuels scolaires abordables. Cependant, l’envolée du prix de ces ouvrages, parallèlement à l’augmentation des frais de scolarité, entraîne une hausse significative du coût global de l’éducation. Alors que le prix des manuels grimpe, on assiste à un repli concomitant sur les éditions numériques grâce à la disponibilité accrue des TIC. Le potentiel offert par des livres scolaires en format numérique abordables et par les REL permet d’envisager une hausse contenue du prix des manuels, dont certains seraient mis à disposition gratuitement par des organisations ou des établissements dans leur version électronique.

 

De telles mutations poussent le secteur de l’édition à repenser son modèle économique et à redéfinir ses produits et services afin qu’ils correspondent aux situations, aux besoins et aux exigences en pleine évolution. De plus en plus de gouvernements et d’institutions, que ce soit au niveau national, régional ou local, demandent que les ressources pédagogiques financées par les contribuables ou les fonds publics soient publiées sous licence libre en tant que REL. Dans le même temps, les éditeurs scolaires et universitaires de ces pays entrent dans une période de transition et de réflexion par rapport aux futures synergies entre publications papier sous droit d’auteur et REL financées par l’État.

Il est nécessaire de trouver des solutions innovantes pour mettre en place de nouveaux modèles économiques, afin que les intérêts de la communauté des REL comme des éditeurs scolaires soient considérés. Plusieurs possibilités existent : (i) éditeurs fournissant des services sur-mesure liés à l’éducation, (ii) éditeurs se concentrant sur de nouveaux sujets qui n’ont pas encore été traités dans des REL, (iii) éditeurs proposant des co-produits (par exemple, publier des manuels conventionnels accompagnés d’autres produits sous licence libre, tels que des jeux éducatifs), (iv) éditeurs concevant des REL et (v) éditeurs développant des modèles hybrides qui permettent aux REL et aux publications traditionnelles sous droit d’auteur de coexister, chacune répondant à des besoins différents exprimés par le public (UNESCO, 2016).

  • Création de cadres politiques favorables

La Déclaration de Paris sur les REL affirme que les ressources pédagogiques élaborées avec des fonds publics devraient être mises à disposition du public sous licence libre. Cela rend nécessaire de stimuler la création, l’adoption et l’application de mesures appuyant les pratiques relatives aux REL. Les décideurs gouvernementaux et institutionnels jouent un rôle crucial pour instaurer des politiques qui donnent une orientation aux systèmes éducatifs et qui peuvent accélérer ou freiner l’adoption et la création d’OER. Plusieurs pays ont déjà adopté des mesures relatives aux REL[1]. L’existence de politiques nationales favorables à ce type de contenu peut être utilisée pour mesurer le niveau d’engagement en matière de REL. L’absence de pareils cadres peut limiter et retarder le processus d’adoption, voire décourager les institutions de s’engager dans une démarche de REL. De plus, les intérêts commerciaux, le défaut d’information et le manque d’impulsion forte peuvent limiter l’élaboration et la mise en œuvre de politiques à l’appui des REL. Lorsque les gouvernements et les institutions ont décidé d’adopter une démarche en faveur des licences libres (impliquant que les produits issus de subventions ou de contrats soient publiés sous ce régime), il est également essentiel de proposer des guides et des dispositifs de développement professionnel pour appliquer ce système.